Le petit Indien
Il se promène tout seul, le ventre à l´air, les mains dans les poches, non il n´a pas de pantalon. Sa mère, depuis que la petite sœur est arrivée, peu de temps après lui, l´a déposé, après l´avoir porté tout contre elle, presque nuit et jour.Et depuis, il se débrouille.
Jeux avec les copains, une brouette, une machette, capturer des petits singes, ou les cameleons, bains dans la rivière attenante au village, chercher les régimes de bananes, chasser à la fronde les oiseaux, balade en pirogue, bien entendu l´ecole, mais pourquoi apprendre? Tout n´est pas dans les livres. Les anciens n´ont jamais appris dans un livre, ils savent la vie de la foret, connaissent toutes les plantes qui guérissent, qui sont dangereuses, ou qui font voyager.
Depuis que la route passe a quelques centaines de mètres du village, on n´a plus besoin de la pirogue pour aller à la ville, cela va plus vite, il passe bien 20 voitures et cars par jour. Aussi, on s´est rapproché du monde moderne, de son argent, de ses besoins, téléphone, glaces, coca,. Les vieux disent que c´était mieux avant !
La compagnie petrolière voudrait bien qu´on lui vende les terrains de la réserve, en échange d´un beau pactole pour eux, promesse de jours futurs mieux nantis. Qu´est ce nanti ? Une forêt devastée, des cours d´eau pollués. Nous l´eau, on l´a toujours bue direct de la rivière, tu crois qu´on pourra continuer sans maladies? Il faut dire que beaucoup de monde décedait deja de diarrhée, alors peut-être en discutant bien ils pourraient amener l´eau, après la route et l´électricité.
On n´a pas d´argent, on va ramasser , après l´avoir semé, le yuca, manioc, plante salvatrice des tropiques. On cueille les bananes, de toutes sortes, les petites, grandes, vertes ou jaunes, à cuisiner ou à manger tel que, pour faire du choucoulat, le matin, jus de banane, cuisine et cuit avec du sucre. Tous les 5 jours on fait la chicha, suc de yuca mélangé à une patate douce, camote, qui va faire fermenter. Plus le temps passe, plus elle est forte.
Chaque matin, on va pêcher, chasser, ramasser quelque chose à manger, si l´on a rien, on se contente de chicha, et ainsi va la vie, sans argent, sans autre but que de vivre, survivre, faire des enfants, boire le vinte cinco (vingt-cinq), rhum de canne, plutôt fort et valant un quart de dollar le quart de litre. Jouer le dimanche avec les autres de la communauté, au foot, au basket, au volley, pour un peu d´argent. L´argent, lui il vient du cacao, 80 dollars les 50 kg, après avoir planté les arbres, entretenus, ramasse les cabosses, cueilli, puis ouvert, fait sécher les petites graines, beaucoup de travail pour un bon produit qu´on ne goutera peut être jamais ! Et maintenant, depuis peu, on peut vendre les produits de l´artisanat, sacs, sombreros, colliers et bracelets, faits de fils ou cordes tressées a la main, ramassées dans la forêt, de graines soigneusement trouées, que de temps passé, pour un petit collier, ne marchandez pas trop s´il vous plait !!
Mais demain, si l´on pense à demain, quand la famille de mon grand-père et grand-mère sera passée de 2 personnes à plus de soixante, pour la même terre, maintenant, il n´y a plus comme autrefois la possibilité de défricher et de planter ou bon vous semble, que va t´on pouvoir faire pour manger, pêcher a la dynamite, il n´y a plus grand-chose à chasser.
Aller à la ville, a Quito, trouver un emploi, mais la bas il faut se loger, il faut acheter la nourriture, déjà beaucoup de jeunes reviennent, ils n´arrivent pas à s´en sortir, et la vie en ville est trop différente d´ici. Faire des études pour trouver un bon emploi, ou se faire employer par les pétroliers !
La pluie tombe à seaux, le vacarme sur les tôles du toit, la brume sur le rio, une mère passe portant de gros régimes de bananes vertes, afin de les vendre 3 à 4 dollars, la petite fille, suit de loin, pleurant sa mère, sous la pluie qui redouble. Rien n´a changé, la pluie passera, l´alcool coulera encore, les enfants, ceux qui résisteront seront forts, les pétroliers, les chocolatiers en Europe ou aux Etats Unis, s´enrichiront encore, et les vieux Indiens Kichwas, rêveront toujours de terres vierges, de rios clairs et poissonneux, et de chasses abondantes...